Les supporters de Monterrey n’ont pas oublié les 43 disparus d’Ayotzinapa

Le 30 mai dernier se jouait la finale retour du championnat de clôture mexicain, au stade BBVA Bancomer où le Monterrey C.F., battu 1 à 0 à l’aller, recevait le Pachuca C.F. Le match s’est soldé par un match nul et le titre est donc revenu au club de Pachuca. Ce qui nous amène à évoquer cette rencontre, c’est l’action menée par une partie des supporters en hommage aux 43 étudiants d’Ayotzinapa, disparus et assassinés en septembre 2014 par l’action conjointe de la police locale et du principal groupe mafieux de l’Etat du Guerrero. Pratique policière héritée de la Guerra sucia, la « guerre sale » qui est la guerre contre-insurrectionnelle menée par l’Etat mexicain contre les militants politiques d’extrême-gauche, dans les années 60-70, où furent détenus, torturés, éxécutés et disparus des milliers de personnes. Pour toutes celles-là et les 43 d’Ayotzinapa ¡Ni olvido, ni perdón!

ayotzinapa43« Les « mass medias » diront que le stade a été plein pour cette grande finale du « narco-fútbol » mexicain, or nous savons très bien qu’il manquait 43 personnes et des milliers d’autres ». Ces supporters du club de Monterrey font référence à la disparition de 43 étudiants de l’Ecole Normale Rurale « Raúl Isidro Burgos » d’Ayotzinapa (Etat du Guerrero), la nuit du 26 au 27 septembre 2014. Ce soir-là, environ 80 élèves de cette école se mettent en quête de bus à réquisitionner en vue d’affrêter un maximum de monde aux manifestations prévues le 2 octobre à Mexico, en commémoration du massacre de Tlatelolco en 1968 où plusieurs centaines d’étudiants en lutte tombèrent sous les balles de l’armée du président Diaz Ordaz. Les Normales sont des écoles pensées dans les années 30 sous la présidence de Lázaro Cárdenas, pour la jeunesse indigène, souvent issue des milieux paysans et ouvriers. Les Normales sont des établissements historiquement très politisés. Celle d’Ayotzinapa a même la réputation d’être à la pointe de cet engagement politique et des luttes sociales. La pratique de réquisitionner des bus pour se rendre à des manifs est assez répandue, vu que ces écoles n’ont pas les moyens d’en disposer. Pour empêcher cela, le gouverneur du Guerrero a préventivement posté des unités anti-émeutes devant la gare routière de Chilpancingo où les étudiants d’Ayotzinapa ont l’habitude d’aller les chercher. Pour éviter la confrontation, les étudiants se rabattirent sur la gare routière d’Iguala où ils parvinrent à mettre la main sur deux bus supplémentaires, ce qui portait leur total à cinq bus. Avant de parvenir à quitter Iguala deux de ces buts furent pris dans une embuscade tendue par la police envoyée par le maire de la ville José Luis Abarca. Elle barra la route aux bus et les mitrailla sans plus de fondement. Dans la confusion, certains étudiants pensant que les flics tirent en l’air pour les effrayer, ce dont ils ont l’habitude, sortent du bus et s’équipent de pierre pour se défendre et les affronter, quand les premiers d’entre eux tombent sous les balles. Pris au milieu de cette fusillade, difficile de s’échapper. Le bilan est terrible: 6 morts et 25 blessés. Trois étudiants d’Ayotzinapa, mais aussi trois autres personnes: une femme malencontreusement présente dans la rue, ainsi que le chauffeur et un passager d’un autre bus ramenant l’équipe des Avispones de Chilpancingo venue jouer un match contre le F.C Iguala. Le jeune footballeur David « Zurdito » Garcia, 15 ans, mourrut d’une balle en pleine poitrine. Mais l’horreur ne s’arrêta pas là. C’est ce que nous rappelle ces supporters de Monterrey avec leur banderole: il manque 43 personnes.

Assez vite après le massacre de la nuit du 26 septembre, on comprend que ces 43 étudiants ont été enlevés. C’est la police municipale aux ordres d’Abarca qui procéda à leur arrestation avant de les livrer au plus important groupe mafieux du coin, les Guerreros Unidos, qui les exécuta avant des les incinérer et de les jeter dans une décharge à Cocula. Le 4 octobre, seuls 28 des corps de ces disparus sont découverts. Aujourd’hui, les familles et les proches des disparus continuent de se battre pour obtenir la vérité. Leur lutte est entravée par les multiples blocages des autorités, même si 17 personnes, dont le maire d’Iguala ont été incarcéré pour leur responsabilité dans ce massacre. La finale du championnat mexicain, et son exposition médiatique consquente, était une occasion de rappeler que cette lutte pour la vérité et la justice est loin d’être finie.

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Sources:

Ayotzinapa, un cas d’école – IAATA – 3 février 2015

Récit détaillé de la tuerie d’Iguala, par John Gibler – Jef Klak – 4 décembre 2014

Acción durante la final Monterrey-Pachuca en México – Wanderers – 31 mai 2016

 

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